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Le long chemin vers un élevage durable
05.09.2023 Des exemples des Pays-Bas, d’Irlande et de France l’ont montré lors du Forum de politique agricole 2023 à la BFH-HAFL : l’agriculture suisse peut apprendre d’autres pays pour trouver son chemin vers une production animale plus durable.
Le Forum de politique agricole 2023 portait sur l’avenir de l’élevage en Suisse. Cette activité est-elle durable ? Quelles sont les conditions politiques nécessaires pour la transformer dans cette direction ? Parmi les solutions énumérées : un meilleur couplage entre production de lait et de viande, une nouvelle génétique et une meilleure gestion des troupeaux. Heinrich Bucher, directeur de Proviande, a souligné l’importance de valoriser l’animal dans son ensemble. De même, il souhaite davantage de recherche afin de réduire les émissions de méthane des bovins et augmenter l’efficience des aliments pour animaux. Il a par ailleurs fait remarquer que la viande suisse souffre, à tort, d’une mauvaise réputation en matière de climat.
Christian Hofer, directeur de l’OFAG, a expliqué pour sa part que les bovins ne sont pas seuls en cause, les monogastriques ayant aussi des impacts climatiques importants : plus de 50 % de la nourriture des porcs est importée et, s’agissant des volailles, on approche même les 80 %. Bien que de nombreux progrès aient été réalisés ces dernières années dans la production animale suisse, de grands défis subsistent, comme l’a expliqué Martin Pidoux, enseignant en politique et marchés agricoles dans son interview.
Pays-Bas : de fortes émissions d’ammoniac
La Suisse a encore du chemin à faire avant de parvenir à une production animale durable. Toutefois, les autres pays européens ne s’en tirent guère mieux. Petra Berkhout, de l’université de Wageningue aux Pays-Bas, a retracé l’histoire de la production laitière néerlandaise dès 1984. En 1998, les Pays-Bas ont introduit le « Mineral Accounting System », abrégé MINAS, qui visait à réduire les pertes d’azote et de phosphore.
En 2006, le système a été condamné par la Cour de justice de l’Union européenne, car les Pays-Bas se limitaient à taxer plus fortement les pertes excessives d’azote au lieu de les interdire, et que le système MINAS était incompatible avec les directives européennes sur l’azote. Depuis 2019, les Pays-Bas sont enlisés dans une crise de l’azote qui perdure encore aujourd’hui. L’agriculture néerlandaise est certes parvenue à réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre depuis 1990, mais ses émissions d’ammoniac – 60 kg par hectare – restent les plus élevées de l’Union européenne.
Irlande : gravir la « montagne » des défis climatiques
L’Irlande affronte elle aussi de nombreux défis, comme l’a expliqué le professeur Pat Dillon du Teagasc, un établissement irlandais semi-étatique pour la recherche, le développement, l’enseignement et le conseil dans les secteurs agricole et agroalimentaire. L’agriculture irlandaise doit réduire de 25 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 ; or, celles-ci ne cessent d’augmenter. Une « Climate Action Strategy » a été mise en place pour y faire face. Elle comprend un programme de conseil et de formation continue avec une plateforme numérique où les agricultrices et agriculteurs peuvent élaborer leurs plans de durabilité pour leur exploitation. L’objectif est que 50 000 d’entre eux participent au programme d’ici 2030.
En parallèle, l’établissement irlandais mise principalement sur la recherche. Objectifs : réduire à plus long terme les émissions d’azote et de méthane, augmenter la biodiversité et la séquestration du carbone, refermer les circuits de production alimentaire. Cependant, il faut commencer rapidement et disposer de ressources supplémentaires pour gravir la montagne des défis climatiques.
France : soutien d’une nouvelle marque
Terrena, une coopérative agricole française ancrée sur le territoire du Grand Ouest, en Bretagne et dans les Pays de la Loire, poursuit des objectifs similaires, explique Marine Michel, responsable RSE de l’entreprise. Terrena participe au développement d’alternatives aux produits de synthèse, crée des filières économiques compétitives et s’engage pour une meilleure adaptation de l’agriculture au changement climatique, par exemple en développant des variétés céréalières plus appropriées aux sols et au climat actuel. Avec « La Nouvelle Agriculture », Terrena a même développé une marque pour commercialiser de manière uniforme des produits plus durables offrant une meilleure valeur ajoutée. Selon Marine Michel, cette nouvelle marque doit soutenir les agricultrices et agriculteurs à s’engager pour une agriculture plus durable. Mais ici aussi, le chemin est long.
Même si aucun de ces trois pays européens n’a atteint l’objectif d’une production animale durable, leurs expériences peuvent se révéler utiles à l’agriculture suisse pour trouver le meilleur chemin.
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Rubrique: Conférence