La construction circulaire commence dès les prémices de la phase de planification

07.03.2025 Le 27 février dernier, c’est devant une salle comble que des expert e s de divers bords ont souligné les enjeux essentiels de la construction circulaire, du changement de mentalité à sa mise en œuvre. Lors de cette journée organisée dans les locaux de la Haute école spécialisée bernoise BFH à Bienne, les intervenant e s ont notamment abordé des aspects aussi variés que le cadre légal, le rôle des investisseurs et des architectes ou encore la mise en œuvre pratique sur le chantier.

L'essentiel en bref

  • La construction circulaire en point de mire: l'objectif est de maintenir les matériaux dans le circuit et de concevoir les bâtiments de manière à ce qu'ils puissent être réutilisés.

  • Planification et collaboration précoces: il est important d'intégrer les principes circulaires dès le début, en impliquant toutes les parties prenantes.

  • Défis et solutions: Des exemples concrets et des outils ont été présentés pour faciliter la construction circulaire.

Inspiré-e-s par le thème de la manifestation – «La construction circulaire: la clé d’un avenir durable» –, 190 spécialistes ont fait le déplacement à Bienne pour écouter des exposés traduits simultanément en allemand et en français et diffusés en ligne.

Partage d’expérience entre professionnel le s de tous les secteurs de la construction

Le secteur de la construction doit innover pour préserver les ressources, réduire les émissions et concevoir des projets de construction axés sur la durabilité selon une approche holistique. Un changement de perspective fondamental a le vent en poupe: finis les processus linéaires, place à de nouveaux principes de planification. Cette évolution doit permettre de maintenir les matériaux en circulation et de concevoir des bâtiments dont les matériaux restent fonctionnels dans la durée et qui peuvent être réutilisés par la suite. Au cours de treize exposés et de deux séances de questions-réponses, les participant‑e‑s ont pu s’imprégner du travail réalisé dans ce domaine, de la législation à l’application des principes de circularité sur les chantiers. Expériences, pistes de solutions et exemples concrets ont ainsi été partagés avec ces spécialistes de la construction, notamment de nombreux acteurs et actrices des premières phases de conception – pouvoirs publics, investisseurs, maitres d’ouvrage, associations professionnelles, délégué‑e‑s à la durabilité, planificateurs ou planificatrices – ainsi que des représentant‑e‑s de l’industrie.

Journée de la construction circulaire: la clé d’un avenir durable

La première Journée de la construction circulaire – axée sur l’infrastructure – a eu lieu en 2024. Le 27 février dernier, la manifestation était pour la première fois placée sous le signe de la construction de bâtiments. Dans les années à venir, l’accent sera mis tour à tour sur les infrastructures et le bâtiment. Cet évènement aborde des thèmes primordiaux de l’économie circulaire et favorise les échanges sur les solutions pratiques et la maitrise des défis futurs dans le secteur de la construction. Des expert‑e‑s de l’ensemble du secteur de la construction partagent leurs connaissances et leur expérience, et livrent un aperçu précieux de stratégies de mise en œuvre ayant fait leurs preuves. Cette rencontre est également une plateforme de choix pour l’échange d’idées innovantes, contribuant ainsi activement au développement d’une industrie de la construction durable. Le programme est complété par une petite exposition spécialisée. Cette journée est organisée chaque année, fin février, et s’adresse aux professionnel‑le‑s qui souhaitent participer activement à la construction de demain.

Informations complémentaires

Journée de la construction circulaire | BFH

«Tout le monde doit pouvoir en profiter, des maîtres d'ouvrage aux propriétaires forestiers».

  • Paul Steffen directeur adjoint de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV)

De la théorie à la pratique

Dans son allocution d’ouverture, Urs-Thomas Gerber, de la Haute école spécialisée bernoise, a immédiatement annoncé la couleur: «Nous devons penser en termes de cycles!» Pour Paul Steffen, directeur adjoint de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), cet objectif s’inscrit dans une démarche saine et efficace de préservation des ressources, qui implique par exemple l’utilisation accrue de bois suisse. Et d’ajouter que l’OFEV avait parfaitement conscience des défis rencontrés dans les premières étapes de transformation et prévoyait de s’y attaquer de concert avec les cantons. Visant également les propriétaires forestiers et les scieries, Paul Steffen a rappelé la stratégie intégrale pour la forêt et le bois 2050 de l’OFEV, précisant qu’elle devait bénéficier à tou-te-s: des maitres d’ouvrage aux propriétaires forestiers.

La construction envoie des signaux encourageants

Deux intervenantes ont ensuite insisté sur l’exigence de précocité de la pensée circulaire dans tout projet de construction, car la direction prise lors de la conception a des conséquences sur toutes les étapes subséquentes. Lorenz Held, chef de l’Office des immeubles et des constructions (OIC) du canton de Berne, a mis en avant l’importance de la séparation des systèmes. Cristina Schaffner, directrice de l’association faitière de l’industrie de la construction suisse, lui a emboité le pas en déclarant que la complexité devait être réduite afin que les objectifs soient simples, qualifiant cette approche d’essentielle en vue d’une mise en œuvre par toutes les parties impliquées. Selon elle, «la sensibilisation doit se faire le plus tôt possible… Dès l’école, peut-être?» Le secteur de la construction s’est engagé sur la voie de la circularité et montre clairement sa volonté de réutiliser les matériaux. Mais les signaux envoyés doivent demeurer constants, pour les commanditaires comme pour les bâtisseurs. Cette stabilité est cruciale pour que les entreprises et les maitres d’ouvrage continuent d’investir dans le secteur de la construction.

Ce fut ensuite au tour de la société immobilière Swiss Prime Site Immobilien AG de prendre la parole et d’amener la discussion sur un terrain plus concret: lorsqu’elle confie un mandat, elle définit un cadre très strict: les certifications. Pour le reste, elle s’en remet à la créativité des planificateurs, qu’elle appelle à «penser circularité», car le produit final s’en trouvera bonifié. Des solutions doivent être envisagées dès les premières phases de la conception. À la lumière de deux projets de transformation de bureaux en logements, l’intervenante a fait valoir que s’ils disposaient de moins de fonds, les concepteurs étaient amenés à réfléchir davantage, avec pour résultat des solutions meilleures, sans chichi. Selon elle, il convient par exemple de dimensionner consciemment la part de verre. En déclarant «les fenêtres sont comme le sucre et le sel: il n’en faut ni trop ni trop peu!», elle a su capter les sourires du public.

S’agissant du promoteur immobilier Allreal, il conçoit ses bâtiments avec le CO2 comme indicateur clé. David Guthörl, responsable du développement durable au sein de cette société, a notamment précisé: « Respecter la valeur cible de 6kg de CO2 par m2 de surface de référence énergétique nous a fait énormément progresser, car nous avons dû nous surpasser.»

L’association Ecobau, également présente, a fait découvrir de précieux outils de travail et des listes de contrôle qui peuvent être consultés gratuitement sur son site internet, notamment le «Fil rouge pour l’analyse des potentiels de construction circulaire», qui liste 22 exigences de l’économie circulaire. En outre, le label «eco» géré par l’association classifie des éléments et des matériaux de construction préalablement évalués – entre autres du point de vue de leur recyclabilité – selon leur le potentiel de circularité.

 

Le bois, une ressource à haut potentiel

Après une pause déjeuner revigorante, la deuxième partie de la journée fut consacrée au bois, entre autres à la question de l’approvisionnement et à la notion de «bois régional». Au renforcement des filières locales s’ajoutent deux objectifs clés, dont la Conférence de coordination des services de la construction et des immeubles des maitres d’ouvrage publics (KBOB), l’association des maitres d’ouvrage publics de Suisse, a fait sa priorité: économiser des ressources et augmenter la qualité. Une possibilité énoncée par l’intervenant consisterait, pour les jurys, à tenir compte des critères correspondants lorsqu’ils examinent les offres soumises, tout en rappelant qu’il existe des services de consultation pour les mises au concours ou l’évaluation des projets.

Le thème de la déconstruction de bâtiments en bois a été abordé par un ingénieur du bureau Pirmin Jung Schweiz, qui souligne que le potentiel de réutilisation dépend fortement de la complexité de l’ouvrage. Réaliser de nouvelles constructions en bois offre bien des possibilités, car elles consistent en une grande variété de raccordements rigides et mobiles. Les machines à commande numérique (CNC) permettent d’effectuer tous types de fraisages et de préparer ainsi les raccordements bois-bois, qui sont alors utilisés sur le chantier et peuvent être démontés en fin de vie par une simple coupe.

Ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est que le maintien des matériaux de construction en circuit fermé exige un effort de planification accru; les reconstructions constituent dès lors un défi de taille pour les bureaux d’architectes. Pour les travaux de transformation, les bâtiments massifs ou le bâti existant intégrant des poteaux ou des poutres filigranes en acier, notamment, représentent une tâche herculéenne. GWJ Architektur s’y est attaqué et a partagé ses expériences dans ce domaine. Selon l’architecte, rendre la technique visible et regrouper les étapes d’installation, afin de faciliter les réparations et la réutilisation, est une démarche judicieuse.

Dans l’ensemble, la journée a offert une vaste palette d’exemples, d’instruments et de solutions pour la construction circulaire, dont certains sont accessibles depuis de nombreuses années. «Comment et par où commencer?» est l’une des questions soulevées par le public. La réponse, sans équivoque: «Dès que vous commencez à penser ‹construction›!» À cet égard, il est crucial que cette approche soit également soutenue par les exécutant-e-s. Le secteur de la construction s’est engagé sur la bonne voie. L’important maintenant, c’est de ne pas relâcher les efforts.

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