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Pénurie d’eau sur l’alpage
30.07.2024 En été, lorsqu’il fait chaud et sec, l’eau se fait rare même sur les alpages. Les exploitations alpines doivent se prémunir du changement climatique. Un outil de bilan hydrique de la BFH-HAFL pourrait bientôt les y aider.
Il fait déjà chaud en bas dans la plaine, tandis qu’audessus de l’alpage les sommets sont encore blancs et les chemins de randonnée détrempés. Pour autant, l’altitude et la fonte des neiges ne garantissent pas l’eau en permanence aux exploitations d’alpage : « Les étés secs de 2003, 2015 et 2018 ont montré à quel point les exploitations d’estivage suisses sont vulnérables », explique alors Linda Schüpfer, assistante en agronomie à la BFH-HAFL. L’eau s’était en effet raréfiée pour la population comme pour le bétail, et pas seulement dans ces vallées alpines comme l’Engadine, où il fait plutôt sec et où les précipitations sont faibles. Les scénarios climatiques de l’OFEV prévoient une augmentation des sècheresses. Les masses de neige et de glaciers fondront probablement plus tôt dans l’année : autant d’eau qui manquera en été. Or les exploitations principales dépendent du fourrage fourni deux à trois mois par an par les pâturages d’altitude des Alpes et du Jura.
Pour les exploitations d’alpage, il est grand temps de réfléchir à la gestion de l’eau. La BFH-HAFL développe actuellement un outil de bilan hydrique qui devrait y aider. À la tête des opérations, Michael Feller, coordinateur du groupe de recherche Économie alpestre et agriculture de montagne à la BFH-HAFL. Elle a conçu la méthode dans son travail de master, d’après une recherche bibliographique et deux études de cas. Le tableau Excel complexe prend en compte toutes sortes de facteurs et calcule quand et où combien d’eau est disponible, ainsi que la quantité consommée.
Différents défis pour chaque alpage
Situation géographique, altitude, géologie, quantité de neige, glaciers et nappes phréatiques déterminent la quantité totale d’eau dont dispose un alpage. « Il faut examiner tous ces facteurs pour chaque alpage », poursuit la jeune agronome. Dans les régions karstiques, l’eau de pluie s’écoule rapidement, alors qu’elle reste dans une cuvette. Si un alpage utilise l’eau d’un glacier, il faut tenir compte de l’évolution de sa fonte. Aujourd’hui déjà, l’approvisionnement de nombreuses exploitations est fluctuant, car elles ne peuvent généralement pas simplement puiser dans la nappe phréatique ou l’eau potable, ni transporter rapidement de l’eau en altitude. Même si certaines disposent depuis longtemps de larges chéneaux et de réservoirs pour récupérer l’eau de pluie, cela suffit-il face au changement climatique ?
La disponibilité de l’eau doit être mise en regard de sa consommation. Comment l’alpage est-il exploité ? Y élève-t-on des vaches laitières ou allaitantes, y fait-on du fromage ? Y a-t-il un restaurant d’alpage ? L’alpage Il Bot dans les Grisons, que l’agronome de la BFH-HAFL a accompagné pendant un été, a surtout besoin d’eau pour abreuver ses 100 vaches laitières. Selon L. Schüpfer, « La quantité dépend principalement de la production laitière et de la température. Une vache laitière boit entre 50 et 200 litres par jour. » Pour la fabrication du fromage, la littérature indique 1,3 litre d’eau par litre de lait transformé. Sur l’alpage de Chrüzhütte (Nidwald), l’eau d’abreuvement est également prioritaire, mais l’eau potable peut aussi se faire rare lorsque de nombreux touristes se douchent, mangent et boivent. Pour résumer, le bilan hydrique de chaque alpage dépend de facteurs qui lui sont propres et de leur interaction au cours du temps.
Prêt pour l’avenir
Si on alimente l’outil Excel de bilan hydrique avec des données issues de modèles climatiques, il peut modéliser la situation dans 20, 30 ou 50 ans, si de nombreux facteurs évoluent en raison du changement climatique. L’outil doit maintenant être optimisé et testé avec les données d’autres alpages. Il devrait ensuite faire partie de l’offre de conseil. « Pour donner aux exploitations d’alpage des conseils concrets sur la meilleure façon de s’armer pour l’avenir », explique Linda Schüpfer.
L'article provient de : focusHAFL 1/24